A la campagne

Épis d’orge sur champ flou

Les routes communales présentent l’énorme avantage d’être très peu fréquentées. Comme leur largeur impose une vitesse réduite, enfin, on a le temps de regarder le paysage. La véritable richesse n’est-elle pas dans la lenteur ? Quelques kilomètres de contemplation produisent toujours le même effet. La voiture est encore trop rapide. Il faut s’en débarrasser. Ça tombe bien, sur ces routes, on trouve partout des entrées de champs et de chemins. Quel plaisir de découvrir à pied les contours d’un vallon ou les lacets d’une rivière.

Si la lumière commence à chatouiller un coin de ce paysage, tout s’accélère. Peut-on jamais capturer exactement ce que l’on voit ? Installation, réglage, cadrage, les ombres défilent sans attendre. Un appareil photo entre les mains, on mesure très vite combien la lumière varie en permanence. Terminée la quiétude bucolique. Dans le viseur, le doute s’installe. Trop vert, trop sombre, trop près, trop bas… A quelle hauteur placer la ligne d’horizon ? Ce peuplier avec ses grosses boulettes de gui doit-il rester dans le cadre ? Une heure passe. Enfin, le bord d’un petit nuage accroché par une haie d’aubépine est enregistré sur la carte mémoire de mon boîtier. C’est la capture du jour !

Il s’agit maintenant de retrouver la route communale. Ou, de pousser plus loin vérifier si un autre coin de paysage ne se laisserait pas encore aborder avant la tombée du jour. Attention, en contre bas du chemin, trois superbes bergeronnettes printanières batifolent sur les rives du ruisseau. En vitesse, il faut se cacher et changer d’objectif pour espérer les atteindre. Trop tard. En trois petits bonds saccadés, elles disparaissent sous les branches d’un saule.

Heureusement, ce bras de rivière semble apprécié des libellules. J’installe un tube allonge spécial macro et me transforme en aulne glutineux. Mise au point sur une brindille, à 50cm de distance, bien calé pour recevoir la lumière rasante du soir. Plus un bruit. Trois calopterix éclatants ont choisi ma brindille comme station relais le temps d’un échange de politesse. Je distingue leur moustache et leur poil aux pattes. J’en oublierais presque d’appuyer sur le déclencheur.

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