Grue Titan – Nantes

La grue-phare

La première photo du portfolio ci-dessous, en noir et blanc, date de 1989. Cette image nous livre le point de vue quotidien du dernier grutier des chantiers navals. A l’époque, la grue n’était pas éclairée à noël. C’était le monumental équipement industriel désaffecté de la pointe de l’île.

Un jour de vadrouille, j’ai trouvé la porte de la grue ouverte. Vite fait, je suis monté tout la haut prendre cette photo par une fenêtre de la grande cabine. A l’intérieur du fût central, l’escalier en colimaçon n’était pas éclairé. Chaque pas sur les marches en métal se répercutait dans toute la structure.

Malice de l’histoire, en 2010, 21 ans plus tard, j’ai emménagé dans l’immeuble à la façade toute encrassée par la circulation à droite de l’image. La grue est donc devenue ma voisine d’en face (pendant 5 ans). J’ai découvert qu’elle tournait avec le vent comme une girouette.

Entre les deux périodes, elle est devenue la mascotte de la ville, à la fois objet fétiche et bijou de famille. Dans le jargon des communicants institutionnels, elle constitue un « élément-phare » de la nouvelle identité culturelle nantaise. « To be attractive or not to be ». Nous avons donc une grue-phare saluée tous les jours par un éléphant-phare. Les touristes adorent. Les commerçants se frottent les mains.

Les nantais les plus modestes s’inquiètent toutefois de la flambée des prix du m². D’autres mauvais esprits se demandent si Nantes ne devient pas un immense parc d’attraction. L’identité d’une ville n’est-elle pas une construction culturelle et politique ?

La grue Titan s’en moque pas mal. Elle reste sage comme une grosse girouette … aux œufs d’or.

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